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Léo Frankel, communard sans frontières sur Bibliothèque Fahrenheit 45

mercredi 9 juin 2021 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Bibliothèque Fahrenheit 451, 8 juin 2021.

Léo Frankel naît et grandit en Hongrie, pays pluriconfessionnel et multiethnique. Il devient ouvrier d’art en orfèvrerie, après de courtes études, et s’initie au socialisme auprès de travailleurs, dans le sud de l’Allemagne où il s’est rendu pour perfectionner son métier. Julien Chuzeville reconstitue ses premiers engagements : sa rencontre avec Marx, à Londres, dès 1869 n’est pas avérée, sa participation au groupe de l’AIT du XIIIe arrondissement de Paris est difficile à dater avec précision. En revanche, il est bien signataire de la protestation contre l’arrestation de Varlin le 13 février 1870, et fondateur de la section allemande de Paris de l’AIT, qui comptera jusqu’à une quarantaine d’adhérents, puis son secrétaire-correspondant. Il est inculpé, lors de la vague de répression bonapartiste, pour appartenance à une « société secrète », puis condamné à deux mois de prison, avec 37 autres accusés.
À l’automne 1870, il intègre le 66e bataillon de la Garde nationale, basé dans le XIe arrondissement. Alors que le gouvernement d’Adolphe Thiers tentera de désarmer la Garde nationale, il doit se replier à Versailles et laisser place à la Commune, réclamée depuis des mois. Aux élections du 26 mars, Frankel est élu dans le XIIIe arrondissement et sera l’un des militant de l’AIT les plus actifs. Il fait partie de la commission du travail, de l’industrie et de l’échange. Julien Chuzeville rapporte scrupuleusement chacune de ses interventions dont il a réussi à retrouver trace dans la presse, les archives des délibérations ou des correspondances. Sous sa direction, la commission met en place plusieurs mesures sociales : suppression du travail de nuit des boulangers, réquisition au profit d’associations ouvrières des ateliers abandonnés, interdiction des amendes et retenues sur salaires, indemnités journalières pour les femmes illégitimes des gardes nationaux équivalentes à celles des femmes légitimes, etc. « Frankel figure parmi les militants les plus avancés de l’AIT, en faveur de l’égalité femmes-hommes notamment. » Ses propositions ne sont pas toutes acceptées : suppression des mont-de-piété, journée de huit heures, etc.
Pendant la Semaine sanglante, il fait partie du Conseil qui se regroupe dans le XIe arrondissement et défend une barricade rue du Faubourg-Saint-Antoine, où il est gravement blessé. Il parvient à échapper à la répression versaillaise avec l’aide d’Élisabeth Dimitrieff, et à rejoindre la Suisse. Se sachant recherché, il fuit à Londres, par la Belgique et sera condamné à mort par contumace le 19 novembre 1872. Après avoir intégré, à l’automne 1871, le cercle des proches de Marx, il est élu à l’unanimité, avec deux autres communards, comme membre du conseil général de l’AIT, le 22 août 1872. Il continuera à publier de très nombreux articles qui auront une certaine influence, et à participer à de nombreux journaux, car comme il l’écrivait dans l’Arbeit-Wochen-Chronik : « Une des armes les plus efficaces dans les mains des opprimés contre la classe dominante est la presse. »
Fin 1875, il s’installe à Vienne pour participer à l’essor du mouvement ouvrier en Autriche-Hongrie. Il milite pour le suffrage universel et, pour contourner l’interdiction qui vise toute formation d’associations socialistes, il cofonde le Parti des non-électeurs (Nemválasztók Pártja), en avril 1878. En juin 1881, il est condamné pour avoir publié un texte antimilitariste à près de deux ans de prison. Dès lors, il essaie de se faire plus discret, puis revient vivre à Paris à partir de 1889, après y avoir participé au congrès socialiste qui fonde la Deuxième Internationale. Sa santé se dégradera rapidement : il meurt de tuberculose le 29 mars 1896 et sera enterré quelques jours plus tard au cimetière du Père-Lachaise.
Son énergie et son engagement permanent impressionnent. Fort de ses recherches, Julien Chuzeville s’est efforcé, autant que faire se peut, de rapporter les propos et les prises de position de Léo Frankel, démontrant, s’il en était besoin, qu’il était avant tout un « internationaliste en actes ».

Ernest London, le bibliothécaire-armurier