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Emprisonnées dans Ouest-France

mardi 25 juin 2024 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Ouest-France, le 23 juin 2024.

« Quand la pauvreté jette les femmes en prison »

Pourquoi se retrouvent-elles derrière les barreaux ? Qui sont-elles ? À travers le récit de dix détenues à travers le monde, la journaliste Audrey Guiller dresse un état des lieux accablant.

La prison, c’est la privation de liberté à la suite d’une condamnation pour un délit ou un crime. C’est bien souvent aussi un univers clos où règnent violences et humiliations. Mais pour les femmes détenues, c’est pire.
Dans un livre plein d’humanité, la journaliste Audrey Guiller relate le parcours de dix femmes emprisonnées en France, mais aussi au Mali, au Japon, au Canada, au Brésil… Autant d’histoires personnelles qu’elle a recueillies au fil de plusieurs échanges avec chacune de ces détenues. Autant d’exemples qui permettent de comprendre que si ces femmes ont abouti en prison, ce n’est pas seulement parce qu’elles avaient commis des actes illégaux.

La violence avant la prison

Dans le monde, un peu plus de 740 000 femmes et adolescentes sont détenues, soit 6,9 % de la population carcérale. Elles sont nettement moins nombreuses que les hommes à se retrouver derrière les barreaux mais leur nombre progresse de manière inquiétante : 60 % de femmes incarcérées en plus depuis 2000. « La première explication, c’est l’appauvrissement. Ce sont avant tout les personnes en situation de précarité qui se retrouvent emprisonnées. Or, qui sont les pauvres ? Principalement des femmes car, à travers le monde, elles ont moins accès au travail rémunéré », note la journaliste.
La situation au Japon, de ce point de vue, interpelle. Nombre de Japonaises âgées peuvent se retrouver dans la précarité une fois veuves ou divorcées car elles se sont principalement consacrées au foyer familial. « Neuf femmes seniors sur dix sont en prison pour vol à l’étalage car en prison au moins elles ont un toit, un repas et des gens à qui parler » constate Audrey Guiller.
Le renforcement de la lutte contre les trafics de stupéfiants a aussi conduit derrière les barreaux nombre de « mules » qui consommaient ou qui ont aidé leur conjoint trafiquant. « Derrière une femme en prison, il y a bien souvent un homme qui, dans la majorité des cas, leur a fait subir des violences à la source de difficultés émotionnelles ou financières qui ont conduit ces femmes à commettre des délits. C’est ce qui m’a le plus choquée : la société emprisonne des femmes qu’elle n’a pas su protéger » s’indigne la journaliste qui, durant dix ans, a contribué à la réalisation du magazine Citad’elles écrit avec des détenues du centre pénitentiaire de Rennes.
Comble de la sanction : rares sont les femmes incarcérées pouvant compter sur le soutien de leur conjoint pendant leur détention. Tandis que des épouses ou compagnes de détenus viennent chaque semaine au parloir…
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, la prison peut se révéler bénéfique. « Non pas grâce au système carcéral en lui-même. Mais parce que, pour la première fois, elles peuvent s’interroger sur elles-mêmes, apprendre à se connaître », note Audrey Guiller. Et dans de trop rares cas, à se former.

Pierrick Baudais